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FLASH INFO : COVID-19 & l’exécution des contrats

Par Desorgues - Société d'Avocats

Mireille DANY – Avocat

Département Economique


La situation d’épidémie actuelle peut-elle être considérée comme un cas de force majeure permettant de suspendre l’exécution d’un contrat ?


L’article 1218 du Code Civil précise, qu’en matière contractuelle, il y a force majeure lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de l’obligation du débiteur.





La jurisprudence interprète la question du caractère insurmontable de l’épidémie de façon plutôt restrictive, admettant rarement la force majeure en la matière.


Les situations jugées par le passé concernent toutefois généralement des situations à l’étranger.

Les deux principaux critères qui sont le plus souvent retenus dans l’appréciation du juge français quant au caractère « irrésistible » de l’épidémie sont :


- Le degré de gravité de la maladie hors fragilité médicale particulière. Par exemple, le Chikungunya a été jugé insuffisamment grave par la CA Basse Terre, 17 décembre 2018, n° 17/00739, parce qu’il pouvait être traité par des antalgiques, hors fragilité médicale spécifique. Même chose pour une épidémie de Dengue touchant 5% de la population locale et n’entraînant « pas de complications dans la majorité des cas », CA Nancy, 22 novembre 2010, nº 09/00003). Ou encore une encéphalite au Népal n’ayant causé que 43 décès dans le pays (TGI Paris, 12 décembre 2006, n° 05/03905).

- Le degré d’alerte et les positions prises par les autorités publiques. Le TGI de Paris a par exemple rejeté la force majeure notamment parce que les voyages en zone affectée par le Chikungunya faisaient l’objet de recommandations et précautions d’ordre préventif mais n’étaient pas déconseillés, TGI Paris 30 avril 2009, n° 06/17799. Même chose concernant l’encéphalite japonaise (TGI Paris, 12 décembre 2006, n° 05/03905).


En ce qui concerne le Covid-19, les nombreuses prises de positions des autorités publiques sont déterminantes. Autant les recommandations de précaution (laver ses mains, etc.) ne constituent pas des empêchements, autant les recommandations ou interdictions de réunions ou évènements collectifs (fermeture de restaurants, cafés…) peuvent faire basculer la situation dans la force majeure. Il est clair que les mesures réglementaires et les positions prises par les autorités publiques ces derniers jours peuvent permettre de considérer l’épidémie comme un cas de force majeure.


S’agissant des conséquences de la force majeure, il convient en premier lieu de consulter les clauses du contrat. A défaut de disposition contractuelles pertinentes, le principe premier posé par le code civil est la suspension des obligations impactées par l’évènement et, en l’absence de possibilité de suspension, la résolution du contrat. Le principe en matière de conséquences financières n’est pas évident à déterminer. Dans son rapport annuel pour 2011, la Cour de cassation s’est référée quant aux conséquences de la force majeure à la « théorie des risques », qui implique que c’est le débiteur empêché d’exécuter qui supporte le risque de cet empêchement. Bien qu’il soit libéré de son obligation, il ne peut exiger de son partenaire l’exécution de sa contrepartie. La jurisprudence en la matière n’est toutefois pas très fournie, le bénéfice de la force majeure étant plus souvent refusé, qu'accordé.


Certaines décisions semblent confirmer qu’en cas de non-exécution d’une prestation (exemple des livraisons) pour cause de force majeure, le paiement du prix de la prestation ne serait pas dû, sous réserve éventuellement du remboursement des frais déjà engagés et justifiés.


Ainsi :

- En cas de « suspension » (ex. la partie qui souhaite la suspension propose une date alternative ou un lieu alternatif) : il serait possible de récupérer des frais résultants de cette alternative, tels que des frais d’entreposage (TC Chalon sur Saône 21 septembre 2015, n°2014/006231.). La prudence imposerait toutefois dans ce cas que l’autre partie ait été informée, voire ait approuvé la dépense.

- En cas de résolution (cas définitif, pas de suspension possible car il est impossible d’exécuter le contrat) : la jurisprudence semble assez établie quant au fait que le paiement du prix n’est pas dû par la contrepartie du débiteur empêché et que les acomptes doivent donc être remboursés (CA Besançon, 12 janvier 2016, n°14 / 02364 ; CA Orléans, 18 novembre 2013, n°12/02967 ; CA Versailles, 9 avril 2018, n°16/03193). En revanche, si des frais ont déjà été engagés pour réaliser la prestation (qui serait donc partiellement exécutée ou en cours d’exécution), il semblerait qu’un remboursement de ces frais puisse être demandé (CA Versailles 12 mars 2019, n°17/09041).

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