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La guerre sanitaire et le Droit public

Par Julie DESORGUES, Desorgues - Société d'Avocats


Face à l'apparition d’une pandémie comme celle que nous vivons aujourd'hui, de nouveaux enjeux et de nouvelles priorités font surface. Or, cela peut malheureusement se confronter au Droit actuellement en vigueur.


Entre droits et devoirs de chacun, Desorgues - Société d'Avocats décrypte la situation et les recours :


D’un côté, nous avons l’obligation, pour les agents et les entreprises titulaires de contrats publics, d’assurer le service public ; et de l’autre, la possibilité pour les agents de se voir reconnaître leur droit de retrait, et pour les entreprises leur droit à une indemnisation.


1. S’agissant des agents, les agents publics (qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels), bénéficient d’un droit de retrait. Ce droit de retrait leur permet d’arrêter légalement de travailler si leur santé ou leur vie sont « gravement » en danger.


A titre d’illustration, aux termes de l’article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : « Si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement son supérieur hiérarchique. Il peut se retirer d’une telle situation […] ».


Dans le contexte actuel du coronavirus (covid-19), la question de l’invocation de ce droit et de sa mise en œuvre fera nécessairement débat.


Pour que ce droit de retrait soit valable, il faut que :

- la situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de l’agent ; ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.

Si le droit de retrait est justifié, aucune sanction ni retenue de salaire ne peuvent bien entendu être prises à l’encontre d’un agent ayant cessé de travailler pour ce motif.


Cependant, l’autorité hiérarchique de l’agent peut contester le caractère justifié de ce droit de retrait. Une retenue sur traitement (voire même une sanction disciplinaire ou une procédure de licenciement pour abandon de poste) pourra s'appliquer.

Dans le même sens, le droit de retrait ne peut s’exercer que s’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent, pour ses collègues mais aussi pour les tiers et en particulier pour les usagers du service public.


Depuis de nombreuses années, les services hospitaliers, les services de secours et de sécurité (police, gendarmerie, armée) font l’objet de diminutions drastiques de leurs moyens matériels, financiers et humains.

Mettre en oeuvre le droit de retrait des agents concernés soulèvera nécessairement des interrogations majeures, dont celle de l’articulation entre le droit des agents et celui des malades.

La question se posera nécessairement dans le contexte actuel du coronavirus.



2. S’agissant des entreprises, qui par les contrats publics (marchés publics ou délégations de service public) dont elles sont titulaires participent à l’exécution d’une mission de service public, pourront-elles se prévaloir, dans le contexte actuel du coronavirus de la force majeure pour interrompre l’exécution de leurs prestations ?


Il semblerait que oui.

Au regard de l’apparition brutale du coronavirus, et des mesures de confinement adoptées par le gouvernement de sa population, il existe une très forte probabilité que la force majeure puisse aujourd’hui être retenue dans de nombreux cas.


La qualification ne pourra cependant être retenue qu’au cas par cas, marché public par marché public, en vérifiant au préalable si les conditions de la force majeure sont réunies pour le cocontractant privé de l’administration qui s’en prévaut.


Si la force majeure peut être retenue pour l’entreprise, cette qualification aura des conséquences importantes sur l’exécution en cours des contrats publics :

D’une part, l’entreprise titulaire d’un contrat public pourra s’en prévaloir pour justifier l’inexécution de son obligation et dégager sa responsabilité ;

D’autre part, l’administration ne pourra lui appliquer des pénalités de retard en cas d’inexécution des prestations et l’entreprise pourra même solliciter une prolongation du délai de réalisation des prestations ;

En outre, la force majeure pourra également permettre une indemnisation du titulaire d’un contrat public, et ce d’autant plus si la personne publique modifie unilatéralement le contrat.


Toutefois, pour pouvoir prétendre à ces dispositifs, l’entreprise devra bien évidemment justifier dans quelle mesure l’épidémie de coronavirus l’a empêchée d’exécuter son contrat. Il sera d’ailleurs recommandé aux entreprises d’anticiper leurs difficultés en prolongeant les délais d’exécution en amont auprès de l’administration, notamment en matière de travaux publics.


Un bon dialogue entre la personne publique et les entreprises en amont est donc primordial.

Enfin, il ne doit pas être exclu que la personne publique procède à la résiliation du contrat public pour force majeure ; car c’est en principe une prérogative qui lui est ouverte en vertu des textes applicables.



3. En dernier lieu, l’adoption des nouvelles mesures liées à l’état d’urgence soulèvera aussi des questions de libertés publiques, d’articulation du Droit et des libertés, de la hiérarchie des normes, le tout sous fond de sécurité publique nécessairement troublée en cas de guerre.

En cette matière liée à la protection de la sécurité publique, les Collectivités territoriales, et les Maires seront eux aussi nécessairement amenés à devoir agir (notamment par l’adoption d’arrêtés de police et par la prise de mesures efficientes pour garantir les directives gouvernementales), en tant qu’autorité de police administrative générale.

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