Par Maître Julie DESORGUES
La notion de temps de travail effectif a fait l’objet de nombreuses décisions jurisprudentielles du fait de son importance, jusqu’à sa consécration légale.
Au sens du Code du travail, constitue dorénavant un temps de travail effectif « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (C. trav., art. L. 3121-1). En application de cette définition légale, les juges considèrent que le fait que le salarié se trouve à son domicile ou sur les lieux de l’entreprise n’a qu’une importance secondaire. Ainsi, et à titre d’illustration, le temps consacré à des formations constitue du temps de travail effectif, si bien que les dispositions d’un accord collectif plaçant ces périodes de formation hors du temps de travail sont nulles (Cass. soc., 11-07-2007, n° 06-11.164). L’utilité de définir le temps de travail effectif présente une importance majeure tant pour l’employeur que pour le salarié. La notion de temps de travail effectif permet effectivement de fixer le montant du salaire, de déterminer si le salarié travaille à temps partiel ou s’il a effectué des heures supplémentaires. Cette notion permet aussi de contrôler si le salarié ne dépasse pas les durées maximales de travail.Chaque salarié ayant effectivement droit au repos et aux loisirs (droit au repos quotidien de onze heures consécutives et hebdomadaire de plus de vingt quatre heures consécutives), le décompte du temps de travail effectif assure ainsi le respect du repos du salarié et présente une importance majeure d’où l’utilité de le définir légalement et strictement. Les exclusions du décompte du temps de travail : Ces jalons posés et dans ce cadre, ont été exclus du décompte du temps de travail des salariés, les temps suivants : ✴ Les temps de pause : Pour rappel, dans un objectif de respect de la santé et de la sécurité des travailleurs, un salarié doit pouvoir bénéficier d’une pause de 20 minutes, par tranche de 6 heures travaillées (C. trav., art. L. 3121-16). En principe, ces temps de pause sont exclus du décompte du temps de travail. L’employeur n’a donc aucune obligation de rémunérer le salarié durant les pauses et les repas, même s’ils sont pris au sein de l’entreprise. Cependant les temps de pause ou de restauration du salarié peuvent être considérés comme du temps de travail effectif, lorsque le salarié reste à la disposition l’employeur et qu’en réalité les critères du temps de travail effectif sont réunis. De plus, un accord collectif conclu au niveau de l’entreprise ou de la branche, ou le contrat de travail du salarié peut prévoir une rémunération correspondant à ces périodes de pause ou de déjeuner. ✴ Les temps d’habillage et de déshabillage : Dans certains secteurs d’activité (bâtiment ou restauration par exemple), les salariés sont obligés de porter des tenues et équipements spéciaux pour des raisons de sécurité ou bien pour se distinguer des clients. Lorsque le salarié est obligé de se changer avant et après le travail sur son lieu de travail, le temps consacré à l’habillage et au déshabillage n’est pas considéré comme du temps de travail effectif par la loi (C. trav., art. L. 3121-3). Ce principe connaît toutefois une nuance. Lorsque le port d’une tenue de travail résulte de l’application de dispositions législatives ou réglementaires ou de clauses conventionnelles (règlement intérieur ou le contrat de travail) et lorsque les opérations d’habillage et de déshabillage se déroulent sur le lieu de travail, ces temps doivent donner lieu à une contrepartie financière ou à une contrepartie en temps de repos. S’il s’agit de temps de repos, le salarié bénéficiera d’une réduction de son horaire de travail, sans diminution de sa rémunération. Enfin, et de manière classique, il est toujours possible de prévoir des dispositions plus favorables que la loi, et d’assimiler les temps d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif dans un accord collectif ou dans le contrat de travail. ✴ Les temps de trajet : Conformément à la jurisprudence (Cass. soc., 5 novembre 2003, n°01-43.109), la loi a consacré le principe selon lequel le temps de trajet ne constitue pas un temps de travail effectif (C. trav. L. 3121-4). Comme la plupart des principes juridiques établis, ce principe doit être nuancé. En effet, lorsque le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail dépasse le temps « normal », le législateur impose à l’employeur de compenser cette anormalité par une contrepartie financière ou une contrepartie sous forme de repos. Ladite contrepartie devra être déterminée par voie de convention ou par accord collectif. En l’absence de convention ou d’accord collectif, l’employeur pourra alors librement déterminer l’objet de cette compensation, après consultation du comité social et économique ou du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent. ✴ Les heures d’astreinte : Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (C. trav., art. L. 3121-9). Stricto sensu, ce temps n’est pas considéré comme du temps de travail effectif car le salarié n’est pas à la disposition de son employeur. Le salarié ne peut donc pas prétendre au repos compensateur lorsqu’il est d’astreinte. A côté de ces temps non considérés comme du temps de travail effectif, il existe un régime particulier : les heures d’équivalences. Ce régime permet de prendre en compte les périodes d’inaction que connaissent les salariés de certains secteurs (la restauration par exemple). La durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction soit par décret, pris après conclusion d’une convention ou d’un accord de branche, soit par décret en Conseil d’Etat. L’ensemble des entreprises d’un même secteur bénéficie ainsi des mêmes possibilités d’application d’un régime d’heures d’équivalence, peu importe leur taille. A titre d’illustration, un éducateur spécialisé ayant pour fonction d’assurer une permanence de nuit durant 7 heures consécutives sera rémunéré pour seulement 3 heures de travail effectif. Il est ainsi considéré que durant 4 heures, le salarié est présent, mais n’est pas en situation de travail effectif. Enfin, il convient de préciser que le recours aux heures d’équivalences est appelé à s’amplifier, car cela permet inéluctablement à une entreprise de réduire ses coûts. La Cour de cassation favorise d’ailleurs elle-même cette voie car lorsqu’elle requalifie des astreintes en temps de travail effectif, elle suggère aux entreprise de recourir aux heures d’équivalence afin de diminuer les coûts consécutifs à la requalification (Cass. soc., 9 mars 1999, n° 96-45.590). Cette situation est donc particulière en ce qu’elle est à mi chemin entre le temps de travail effectif et le temps de travail non effectif et ce qu’elle met aussi en exergue toute la difficulté à apprécier les critères posés par la loi ; qui semblent-ils peuvent toujours faire l’objet d’aménagements jurisprudentiels ou conventionnelles.
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