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Les SPL à la carte font leur grand retour !

Par Maître Desorgues Julie


Face au développement des entreprises publiques locales, les jurisprudences divergeaient quant à la possibilité pour les SPL (société publique locale) d’intervenir dans des domaines qui ne relevait pas de la compétence de toutes les collectivités territoriales membres de celles-ci.





Le Conseil d’Etat, par un arrêt attendu (CE, 14 novembre 2018, n°405628), a tranché cette question.


Par son arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’Etat considère que l’article L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales impose une stricte coïncidence entre l’objet social de la SPL et les compétences exercées par les personnes publiques qui en sont actionnaires. Conséquence : impossible pour une personne publique de participer à une SPL si elle n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société.


Un coup d’arrêt aux SPL dites « à la carte », dans lesquelles un actionnaire peut n’exercer qu’une partie des compétences prévues par les statuts de la société (par exemple, l’assainissement collectif seulement, pour une SPL ayant pour objet l’exploitation des services publics d’eau potable et d’assainissement), avait ainsi été porté par la Haute Juridiction. .

Afin de sécuriser au plus vite les collectivités territoriales et leurs outils juridiques, à la suite cet arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2018, une proposition de loi a rapidement été déposée au Sénat le 7 février 2019, et ce afin de clarifier le cadre législatif des SPL et des SEM (sociétés d'économie mixte).


Les auteurs de la proposition de loi considéraient qu’ « un coup d'arrêt à la possibilité de plus en plus utilisée par les collectivités territoriales (...) de constituer ensemble, sous forme d'entreprise, des opérateurs communs pour gérer un certain nombre d'activités dans des conditions permettant mutualisation, économies de gestion et donc des marges de manœuvre financières supplémentaire" et "[fragilisé] les 359 SPL et 925 SEM apparues depuis 1983 pour les SEM et 2010 pour les SPL, alors même que leur dynamisme contribue de plus en plus à la cohésion comme au développement des territoires en matière d'innovation économique, de logement social, d'énergies renouvelables, de mobilité, d'attractivité touristique ou de revitalisation des cœurs de ville".


Légiférer pour clarifier


Le Sénat s’est fortement mobilisé, avec le soutien notamment de la Fédération des EPL et des associations de collectivités, pour déposer cette proposition de loi visant à s’appliquer aux SPL, aux SEM mais aussi en ajoutant (à la demande de France urbaine qui est une association nationale représentant, de manière pluraliste, l'ensemble des métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et grandes villes de France) les SPLA (SPL d’aménagement) afin de sécuriser l’ensemble des outils des collectivités.


L’objectif clairement affiché de ce projet de loi n’était nullement d’ouvrir la voie à une réforme de modernisation de l’économie mixte, mais uniquement de conférer rapidement une « nouvelle » légalité des SPL existantes, de redonner rapidement de la sécurité juridique aux collectivités territoriales.


Le Gouvernement, qui semblait a priori favorable à l’esprit de la proposition de loi, a toutefois proposé un certain nombre d’amendements en commission, ne répondant pas à cet objectif de sécurisation juridique, en introduisant, une nouvelle exigence selon laquelle les SPL/SEM devraient consacrer « une part significative et régulière de leur activité » à chacune des compétences de leurs actionnaires.

Le Gouvernement souhaitait ainsi stopper toute tentative de contournement des lois de décentralisation, en permettant à une collectivité d’être actionnaire majoritaire d’une SEM/SPL dont l’objet social serait à 99% étranger à ses compétences.


Cependant, la notion floue de « part significative » de cette proposition impliquait de nouveau une insécurité juridique.


Après avoir donc rejeté les amendements du gouvernement, le Sénat a donc voté à l’unanimité la proposition de loi en première lecture.


Face à la mobilisation des collectivités territoriales et de leurs associations, pour obtenir un vote conforme de l’Assemblée nationale, le gouvernement a finalement retiré ses amendements et l’Assemblée nationale a donc adopté la proposition de loi du Sénat sans modification.

La loi n°2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales a été promulguée le 18 mai 2019.


Avec cette loi définitivement adoptée, les communes peuvent donc, avec leur intercommunalité, rester actionnaires des EPL même si elles n’exercent pas l’ensemble des compétences prévues dans l’objet social de ces entreprises publiques. Il convient uniquement que l’objet social de l’entreprise publique comprenne au moins l’une des compétences de ses actionnaires publics.


De surcroît, il n’est pas inutile de rappeler que cette loi :


· D’une part, en son article 1er, renverse explicitement la position du Conseil d’Etat en modifiant donc l'article L. 1531-1 du CGCT, qui précise désormais que : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général. Lorsque l'objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacun des actionnaires.[…] »


· D’autre part, anticipe la position jurisprudentielle du Conseil d’État applicable aux SEM en prévoyant la même exigence avec le nouvel article L. 1522-1 du CGCT :« Les assemblées délibérantes des communes, des départements, des régions et de leurs groupements peuvent, à l'effet de créer des sociétés d'économie mixte locales mentionnées à l'article L. 1521-1, acquérir des actions ou recevoir, à titre de redevance, des actions d'apports, émises par ces sociétés. Les prises de participation sont subordonnées aux conditions suivantes :

1° La société revêt la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions du présent titre ;

2° Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants ;

La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires ».


Enfin, et comme précédemment énoncé, la loi complète également l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme applicable pour les SPLA, dans des termes identiques : « Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires ».


La loi du 17 mai 2019 démontre donc clairement la volonté du législateur d’inciter le développement des EPL en France, même si lors des débats parlementaires, il a aussi été explicitement évoqué la nécessité d’adopter dans un avenir proche une « réforme ambitieuse » de l'actionnariat public.

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