Par Maître Julie DESORGUES
La loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance dite loi "ESSOC" a pour principal objectif de "créer les conditions d’une confiance retrouvée du public dans l’administration en concentrant l’action de cette dernière sur ses missions de conseil et de services”.Plus que juridique, cette loi présente un aspect fortement politique tant les gouvernements successifs ont toujours tenté de simplifier le Droit et de le rendre accessible. Cette loi vise ainsi à simplifier le Droit et les démarches des usagers dans leur rapport avec l’administration entendue au sens large à savoir avec l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les autres personnes publiques et personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public administratif.
De nouveaux droits sont consacrés pour les usagers, ainsi que de nouveaux principes. S’agissant d’une loi dont les dispositions sont extrêmement vastes et fournies, il ne sera ici traité que des principaux droits "généraux" consacrés par cette loi pour les administrés. 1. Le droit à régularisation en cas d’erreur : La loi Essoc est venue consacrer le “droit à régularisation en cas d’erreur”, ou appelé “droit à l’erreur”, qui concerne toutes les catégories d’administrés, à savoir les particuliers et les entreprises. Ce droit est codifié à l’article L.123-1 du Code des Relations entre le Public et l’Administration (CRPA) et permet “d’inverser la logique qui prévalait jusque là, en instaurant une confiance a priori de l’administration à l’égard des personnes physiques et morales agissant de bonne foi”. En application de ce nouveau droit, consacré pour la première fois, en cas de méconnaissance d’une règle applicable à sa situation ou de commission d’une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation, une personne ne pourra faire l’objet de la part de l’administration, d’une sanction (pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due) en cas de régularisation de sa situation de sa propre initiative ou après demande de l’administration dans le délai indiqué.Pour bénéficier de ce droit à “régulation”, l’erreur doit bien évidemment être commise de bonne foi. 2. Le droit au contrôle et opposabilité du contrôle : la loi permet aux administrés de demander à l’administration un contrôle pour valider ou corriger ses pratiques, dans le cadre du “droit à la régularisation en cas d’erreur”. Ce contrôle de l’administration, codifié au nouvel article L. 124-1 du CRPA, doit intervenir dans un délai raisonnable.3. Le nouvel article L.114-5-1 du CRPA permet qu’en l’absence d’une pièce au sein d’un dossier déposé par un usager en vue de l’attribution d’un droit, l’instruction de son dossier par l’administration ne soit pas suspendu sauf en cas de pièce manquante essentielle. Ce nouveau vise à accélérer le délai de traitement des demandes administratives. 4. La loi consacre le principe d’opposabilité des circulaires qui implique que l’administration doit “s’engager à l’égard des citoyens, des entreprises, des usagers” sur tous les documents émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. Ainsi, toute personne peut dorénavant se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée.5. Enfin, dans un souci de bonne attente entre l’administration et les administrés, la loi consacre de nouvelles procédures. D’une part, elle créé expressément de nouveaux rescrits sectoriels en matière, notamment, de “taxes d’urbanisme, d’archives, de législation sur l’eau, de redevance d’archéologie préventive ou encore d’assurance chômage des mandataires sociaux” , qui permettent aux usagers de demander à l’administration de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit. Dans le même sens, et à titre expérimental pendant trois ans, un rescrit juridictionnel va être expérimenté dans le ressort de quatre tribunaux administratifs. Ce rescrit est également appelé “demande en appréciation de régularité”.Ainsi, le bénéficiaire ou l’auteur d’une décision non réglementaire (en matière d’expropriation, d’urbanisme ou de déclaration d’insalubrité) pourra saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à apprécier la légalité externe de cette décision. Bien évidemment, il s’agit là d’une « arme » majeure pour le justiciable qui pourra saisir directement le juge de cette demande afin le cas échéant de se servir de son appréciation contre les collectivités territoriales décisionnaires. D’autre part, la loi prévoit la mise en place de “certificats d’information” pour “permettre à tout usager souhaitant exercer une activité nouvelle de gagner du temps et en sécurité juridique pour le lancement de son activité”. En effet, en vertu de nouvel article L114-11 du CRPA, “tout usager peut désormais obtenir, préalablement à l’exercice de certaines activités, une information sur l’existence et le contenu des règles régissant cette activité”. Et si l’administration délivre une information incomplète ou erronée, elle engage sa responsabilité.En conclusion, si le Gouvernement peut se féliciter de tenter de simplifier le droit et plus particulièrement les démarches de ses administrés vis à vis des administrations, il n’en demeure pas moins que bon nombre des dispositions de la loi ne font que consacrer des pratiques déjà répandues. De surcroît, cette loi au contenu fourni (plus de 140 pages) a aussi des allures de loi "fourre-tout" tant les domaines qu’elle concerne sont très différents (bâtiment, Petite enfance, Regroupement universitaire, Relayage du proche aidant, Dialogue environnemental, Eolien en mer, rescrit…) ; lui faisant ainsi perdre « en qualité » juridique. En ce sens, cette nouvelle loi s’apparente plus en une déclaration d’intention plutôt que qu’à une véritable loi créatrice de droits nouveaux.
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